« Ensorcellement »

Sorcière - Aquarelle

 

Sorcière N°1Il était une fois, il y a plus de 25 ans,  mon regard de maman s’est porté sur une petite sorcière qui fut « adoptée » et devint le préambule d’une longue collection. C’est ainsi que la magie a opéré dans la recherche de nouvelles  sorcières de plus en plus  originales, avec une certaine singularité et avec l’enrichissement de sources extérieures. Puis quand  l’enfant a grandi, ses goûts ont changé, naturellement elle a quitté  un jour le cocon familial emportant quelques souvenirs matériels auxquels elle était attachée (quelques sorcières et notamment cette petite sorcière qui a initié la collection), laissant le reste derrière elle, dans son ancienne chambre. C’est ainsi que je suis devenue la « conservatrice » de ces sorcières collectées au fil des jours, avec chacune leur histoire.

Mais je ne suis pas la seule gardienne en ces lieux:Mimi et Sorcière

Avant d’explorer ce thème, je vais cheminer un instant dans la collection, avant de poursuivre mes recherches sur l’histoire des sorcières.

Sorcière - MuranoCertaines sorcières, « naufragées » d’une inondation lors d’un déménagement, ont disparu, ont été abimées  voire cassées. La tentative de la percée d’Halloween en France (mais qui n’appartient pas à notre culture festive) avait permis d’enrichir la collection avec de nombreuses statuettes et des sorcières en tissu. Certaines sont exposées dans une vitrine, d’autres prônent sur des étagères ou sur des meubles, certaines dorment dans un tiroir ou restent cachées…

Je fais un petit « encart » pour la fête d’Halloween, dont j’ai trouvé l’historique lors de mes recherches sur les sorcières. C’était le jour de l’an païen, fêté le 1er novembre dans les pays celtiques, fête de Samhain, dieu de la mort. La croyance voulait alors que lors la nuit précédente, les esprits des morts et ceux issus des fairies (nains, lutins, gnomes, fées, démons, sorcières…) venaient se mêler à ceux des vivants. Ainsi pour conjurer ces sortilèges, les anciens allumaient de grands feux et avaient coutume de danser et rire pour vaincre leur peur.

 

Sorcières endormies dans un tiroir

Que d’étagères « habitées » par ces sorcières où s’accroche la poussière, de quoi cauchemarder quand il faut faire le ménage!!!

 

 

Collection de sorcières

 

 

Certaines ont une vraie originalité pour faire voyager l’imaginaire d’un enfant (balai-moto, montgolfière)…

 

Lors de voyages ce n’était pas toujours aisé de découvrir une sorcière typique ou insolite que ce soit un troll (en Norvège), une statuette en bois et une bouteille (Allemagne, Suisse), ou en verre (Murano), une poterie, des photos et une carte postale d’une montagne « schlafende Hexe » (sorcière endormie) à Berchtesgaden (Allemagne)….

 

 

Sorcière dite "Noélia"Beaucoup de sorcières ont été des cadeaux (anniversaires, Noël, fêtes…). C’est leur diversité, les souvenirs attachés à certaines et  toutes les personnes qui se sont prêtées au jeu… qui en ont fait la richesse. C’est ainsi qu’au fil des années beaucoup de sorcières classiques en tissu, en ont rejoint d’autres sous formes différentes: couverture, montre, broches, marionnettes, horloges, auto-collants, dentelle, tampons, bougies, pâte à sel, poteries (dont l’une avec une clochette), tirelire, abat-jour, boule de neige…

 

 

 

Sorcière - Couverture

 

 

Sorcière - Horloge

 

 

La liste des différentes sorcières  est longue et je ne vais pas toutes les présenter…

 

 

 

Sorcière - TissuCertains sont des gentilles et jolies sorcières, d’autres fantaisistes, enfin il y a les vraies vilaines sorcières!!!

 

 

 

Et je continue!!!

 

 

 

 

Le temps est venu de tourner une page de vie, de ranger alors une  grande partie de cette collection  dans un carton et de penser que  peut-être un jour elle retrouvera une seconde vie. Je vais maintenant rentrer dans le vif du sujet « la sorcière » en essayant de répondre à cette question pourquoi un tel engouement, envoutement ou « ensorcellement »? Est ce pour exorciser un passé où les sorcières ont été les victimes d’un obscurantisme et martyrisées? Est ce pour les réhabiliter?

Sorcière - BienvenueClassiquement la sorcière, au nez crochu et au chapeau pointu, laide et vieille, chevauche son balai pour se déplacer, accompagnée de son chat noir. Elle vit dans un manoir, avec son chaudron et ses potions magiques (utilisant crapauds, araignées, serpents…). Elle est le symbole du mal, présente dans la littérature enfantine, mais loin de la réalité historique et du stéréotype médiéval. Comme les fées et lutins, elle est un personnage imaginaire de nombreux contes et livres pour enfants, tantôt bonne qualifiée de « magicienne » à l’image d’une fée, ou tantôt mauvaise » c’est la sorcière ». C’est la dualité entre le bien et le mal. On retrouvera cette dualité dans une série TV de mon enfance « ma sorcière bien-aimée » (avec Samantha la gentille qui jongle entre modernité et tradition et Endora sa mère qui jette des sorts sur son gendre). Ce monde des sorciers – sorcières est vaste où magie et sorcellerie captivent beaucoup  de fans de livres, d’images, de jeux de rôle et de films (comme Harry Potter). Ce mythe de la sorcière s’empare de l’imaginaire et séduit du fait de sa grande part de mystère et des mythes et légendes perdurant depuis des siècles.

Sorcière - TissuApparue a Moyen Âge en Occident, la première mention de « sorcière » remonte au XIème siècle. Au départ avec leurs connaissances des plantes médicinales, elles étaient considérées  comme des guérisseuses. Puis au moment de l’Inquisition vers 1231, l’église les traita comme des créatures démoniaques qui ont fait un pacte avec le diable. Un amalgame a été fait entre magie noire et sorcellerie. Il ne fallait pas avoir des « signes du démon » comme des malformations, des difformités, des marques de naissance, des grains de beauté, être roux, bossu, albinos, borgne etc… Tout était prétexte à accuser de sorcellerie quiconque avait un visage repoussant, un comportement bizarre, asocial,  ou était sujet à une rumeur.

Un vent de folie a soufflé. Une peur était omniprésente (épidémie, famine, maladie, catastrophes naturelles, guerre …) avec la propension à  en trouver des explications dans des maléfices et des superstitions (avec la magie et la sorcellerie), du fait de l’ignorance des causes, avant que la science ne puisse en faire la lumière. Il fallait des boucs émissaires. Les sorcières ont été pourchassées, persécutées pendant des siècles, torturées et brûlées sur des bûchers, voire écartelées et noyées. Le procès par immersion:  en Écosse, on attachait ensemble les pouces et les doigts de pieds de la suspecte (assise sur un tabouret) avant de la plonger deux fois dans l’eau. Si elle coulait et se noyait, elle était jugée innocente. Si par chance -rarement- elle survivait à la noyade elle était jugée coupable puis était brûlée. La sorcière la plus connue en France est Jeanne d’Arc qui après avoir sauvé la France, fut accusée d’hérésie, de sorcellerie et fut brûlée.

Malleus maleficarum - source WikipédiaLes juges des tribunaux (que des hommes) dans une société patriarcale, ne faisaient pas preuve d’impartialité, les procès étaient arbitraires,  sur simple délation. Ce fut une période d’intolérance (avec ses fanatiques) où haine, jalousie, rancune etc… fomentaient des fausses accusations et conduisaient à des tortures pour faire avouer, des mutilations, puis des exécutions. Les inquisiteurs agissant au nom de la papauté, disposaient d’un terrible manuel de base pour « la chasse aux sorcières » (paru en 1486 suivi de 34 rééditions jusqu’en 1669!!!), appelé « Malleus maleficarum » (Marteau des sorcières), écrit par des auteurs très perturbés, pervers. Il est responsable de la mort de milliers d’innocents, en majorité des femmes (3 personnes sur 4 envoyées au bûcher étaient des femmes). Une paranoïa diabolique s’était emparée de l’Europe et l’Amérique. Ce fut une période sombre, sanglante et sadique de notre histoire. Les féministes définissent cette traque aux sorcières comme un « gynécide » (élimination des femmes, moins considérées que les hommes, pour des raisons morales ou religieuses).

Ainsi à Keith et Forres, en Ecosse, on peut lire ces inscriptions: « from Cluny Hill witches were rolled in stout barrels through which spikes were driven. Where the barrels stopped they were burned with their mangled contents. » (des sorcières de Cluny Hill ont été roulées dans des barils robustes à travers lesquels des pointes ont été enfoncées. Là où les tonneaux se sont arrêtés, ils ont été brûlés avec leur contenu mutilé). J’ai été assez éprouvée  lors de mes recherches avec la lecture d’autres actes de torture, barbarie  extrême.

Lors de nos séjours en Écosse nous avons vu plusieurs pierres en hommage à la dernière sorcière brûlée en ces lieux comme à Elgin ou Dornoch.

 

La chasse aux sorcièrex n’a pas sévi qu’en Europe, car au milieu du XXème siècle aux États Unis, cette expression « la chasse aux sorcières »  a été reprise par Arthur Miller (au moment du maccarthysme) en comparaison avec l’épisode des sorcières de Salem au XVIIème siècle. Elle désigne une persécution généralement injuste (organisée par un gouvernement contre des opposants). Pour Salem (1692), différentes théories (sociales, commerciales, religieuses…) tentent d’expliquer les causes d’hallucinations massives hystériques, liées au sectarisme religieux évoquant des forces démoniaques, conduisant à un massacre. Une cause, entre autres (comme un phénomène climatique), évoque une contamination des céréales à l’ergot de seigle (champignon dont est dérivé le LSD), entraînant une symptomatologie d’intoxication.

La représentation des chevauchées sur un balai reste  sujet à discussion. La sorcière est définie comme une personne maléfique, ayant fait un pacte avec le diable et se rendant à des réunions nocturnes dites « sabbat » pour exécuter des rites diaboliques pour obtenir un certain pouvoir. Je ne vais pas rentrer dans tous les rites de la sorcellerie avec magie noire, magie blanche… Mais voici quelques vers du poème de Robert Desnos « L’amour tombe des nues » pour atténuer les propos antérieurs:

Un samedi du moyen âge
Une sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Tomba par terre
Du haut des nuages
Ho ho ho madame la sorcière
Vous voilà tombée par terre…

Pour conclure je referme cet article avec en tête toutes ces scènes d’atrocité, de supplice, de torture, que j’ai découvertes durant le parcours de mes recherches. J’ai l’impression que la réalité de « chasses aux sorcières » est toujours d’actualité avec ce fanatisme et ce sectarisme ambiants qui tendent à éliminer les indésirables, les « hors-normes » (ne répondant pas aux critères de normalité sociale et culturelle ou d’éthique de la société), les mécréants… L’histoire est sans cesse un recommencement ou la poursuite inéluctable du côté sombre et intolérant de certains êtres humains…

 

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