« C’est l’ombre de la mort qui donne son relief à la vie » Ingmar Bergman

 

Aquarelle - 2005

A l’approche Halloween et de la Toussaint, un tel sujet demande réflexion. C’est une aquarelle qui va introduire cet article. Il y a longtemps cette image d’un banc capturée dans le générique d’une série (les 4400) reflétait  une certaine atmosphère empreinte de solitude et de nostalgie, mais aussi la vie qui continue,  et que j’avais voulu reproduire alors en peinture…

« Une vie s’en est allée laissant une « empreinte » sur un banc, un livre ouvert sur le parcours d’une vie ».

Tableau de sable - D'après une photo de 1933

Qui n’a pas été confronté à la tristesse de voir un proche disparaitre (famille, amis…). Mais ce sont aussi les accidents, catastrophes naturelles, conflits, terrorisme, crimes … qui font la une des médias, journaux et endeuillent familles et populations, puis la vie reprend le dessus. Pour éviter toute tristesse je poursuis  un tel sujet avec cette citation d’Einstein:

« La vie c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre ».

 

 

Selon Cicéron:

« La vie des morts est de survivre dans l’esprit des vivants »

Selon George Sand:

« Le souvenir est le parfum de l’âme »

Une expression « Passer de vie à trépas » ouvre ce propos. Elle est utilisée depuis la seconde moitié du XIX ème siècle mais date en fait du XIVème siècle où on disait plutôt ‘’aller de vie à trépas’’. C’est une métaphore pour rappeler le franchissement du Styx, le fleuve des morts des Anciens. Il est un tableau mythique d’Arnold Böcklin « l’Île des morts »  qui évoque cette image. Beaucoup d’expressions ont trait à ce passage inéluctable pour tous. Je laisse Pierre Dac jouer avec ces mots (pensées – 1972) et effacer la tristesse qu’un tel sujet peut susciter:

« Quand on est passé de vie à trépas, on n’a plus rien à craindre de la mort puisque celle-ci ne s’attaque qu’aux vivants ». 

Beaucoup d’expressions sont utilisées (dont certaines anciennes ont disparu) pour éviter de prononcer ce mot qui fait tellement peur et peut-être pour conjurer le sort. Certaines d’entre elles sont populaires, imagées comme « lâcher la rampe » et « tirer sa révérence » ou « rendre l’âme ou l’esprit »  et « aller ad patres ». Certaines sont argotiques comme « clamser », « claboter », « dévisser son billard », « avaler sa chique »… Pour certains c’est une vision plus culinaire: « c’est manger les pissenlits par la racine » , « ou manger la salade par le trognon », « perdre le goût du pain », « boire le bouillon de onze heures » (empoisonnement), voire peut-être « avaler son acte de naissance »!!! Pour d’autres ce sera « faire le grand saut » et ainsi « casser sa pipe ». On peut aussi « mordre la poussière », « se retrouver six pieds sous terre » ou « se retrouver au royaume des taupes ». C’est aussi « ramasser ses outils », « remiser son fiacre », « rendre les clés » pour « se retrouver entre quatre planches » et « s’habiller de sapin ». En fait tout cela est pour dire « finir ses jours, fermer le yeux, rendre son dernier soupir, tirer le rideau et passer du côté des ténèbres,  l’arme à gauche »… Et je suis loin d’avoir épuisé ce sujet pléthorique… Je laisse Alphonse Allais conclure ces expressions:

« Je me suis toujours demandé si les gauchers passaient l’arme à droite. »

Des signes sur le bord d’une route ou de la mer, en haut d’une falaise, à la montagne… que ce soient des fleurs, une statue, une plaque, une croix ou une sculpture… révèlent qu’un drame est survenu à cet endroit et a endeuillé une famille. Ils sont les garants d’une certaine mémoire pour ne pas sombrer dans l’oubli ou pour conseiller une certaine prudence en un lieu où il est dangereux de s’aventurer. C’est ainsi que certaines images peuvent  captiver l’œil du photographe  en accord  avec une certaine atmosphère mais pas forcément lugubre; en voici une petite illustration:

Ecosse - Point of Stoer

 

Lors d’une balade vers un phare (en Écosse) en fin d’après-midi, une lumière a surgi des nuages en dardant tous ses derniers feux sur  la mer  et l’horizon, tel un éventail (surnommé « montée au ciel »  dans ma famille!!!) et c’est alors qu’une petite croix a surgi dans cet instant lumineux éphémère, créant une atmosphère singulière (simple croix en métal pour commémorer la disparition de 2 personnes plus bas dans les rochers)

« Le souvenir, c’est la présence invisible » Victor Hugo

 

 

Le « Stains castle » est un château en ruine en haut  de falaises surplombant directement la mer du Stains castle - Ecosse - Source PinterestNord (dans  l’Aberdeenshire). Il aurait inspiré Bram Stoker pour Dracula. C’est un lieu étrange qui semble un peu dénué d’âme mais où le fracas des vagues sur le rochers et le cri des mouettes peuvent influer l’imaginaire. Cependant c’est un endroit dangereux où une petite plaque témoigne de la disparition d’un enfant tombé de la falaise et conseille la prudence.

 

« Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis ». Victor Hugo

 

Saint Abbs Head - Ecosse

Une petite sculpture à Saint Abbs Head  (Écosse) de l’artiste Jill Watson est un mémorial à la mémoire de pêcheurs, disparus tragiquement en mer lors d’une tempête  le 14 octobre 1881 qui  a coûté la vie à 189 pêcheurs. Elle représente des femmes et des enfants endeuillés qui scrutent l’horizon en vain.

 

 

« Les morts sont des invisibles, mais non des absents ». Victor Hugo

 

Pieter Bruegel l'Ancien - Le triomphe de la mort - Source PinterestUne expression a retenu mon attention: « Deviser ou épouser la camarde ». C’est une figure allégorique de la mort représentée par un squelette, qui tient son nom de l’adjectif camard signifiant avoir le nez plat, or un crâne ne possède pas de nez d’où cette représentation.

La faucheuse, autre nom pour personnifier la mort, est représentée comme un squelette portant une robe, une toge noire avec capuche, et  une grande faux. Ce symbole est d’origine italienne et est d’usage durant tout le Moyen Âge et la Renaissance. Elle est apparue pendant une période où la peste noire faisait rage et représentait alors pour les habitants ce besoin d’exprimer toute l’horreur de ce drame.  Elle représentait alors un être terrifiant, visage caché, d’où l’imagination de peintres pour s’emparer de cette image dans des tableaux macabres comme ceux de Pieter Brueghel l’Ancien (« Le Triomphe de la Mort » conservé au Musée du Prado à Madrid, où la faucheuse dirige une horde de squelettes qui tuent toutes les classes sociales, montrant alors que tous les hommes sont égaux devant la mort).

La Faucheuse - Source Pinterest - Saint-FailEn référence à la peste, la faucheuse happait l’âme des hommes avec sa faux et frappait à l’aveugle celui qui se trouvait sur son chemin, sans discrimination (riche ou pauvre, bon ou mauvais, sans distinction de couleur, d’origine, de religion…). Pour certains, cette faux aurait été empruntée à l’ancien dieu romain Saturne, Dieu de l’agriculture et du temps, qui prend d’un côté (temps, mort, épidémies, puissances infernales…) et rend de l’autre où la faux symbolise les récoltes (moisson, été, abondance); mais c’est aussi le dieu grec Cronos,  le père des dieux de l’Olympe, qui avait dévoré ses enfants, puis exilé sur terre comme simple mortel avait fondé une communauté agricole, l’Âge d’Or. Beaucoup de peintres au travers des siècles se sont emparés de ce thème fascinant où l’imaginaire est sans limites. Mais la faucheuse apparait aussi dans des chansons   comme dans « mon bistrot préféré » de Renaud:

« Si demain la faucheuse vient me prendre la main
Pourvu qu’elle me conduise au bistrot des copains ».

La mort et le fossoyeur - Carlos Schwabe - Musée du Louvre - Source wikimédia

Dans toutes les mythologies, civilisations ou cultures populaires (Romains et Grecs anciens, Aztèques… Egypte, pays nordiques, japon, Chine, Inde etc…) des divinités incarnent la mort. Par exemple en Lituanie c’était une vieille femme laide, avec un long nez bleu et une langue empoisonnée. Dans la culture slave, elle apparaissait comme une dame blanche qui tenaient des pousses qui ne fanaient jamais. Dans la mythologie hindoue, Yama le maitre des morts chevauchait un bœuf noir et  attrapait les âmes avec un lasso torsadé… Ceci représente un vaste sujet qu’il serait trop long de détailler…

Dans toutes les religions elle est présente comme  l’Ange de la mort, un ange noir.

La mort à la fois fascine et effraie. Elle apparait aussi dans la littérature, la poésie (empreinte de tristesse comme ce célèbre poème de Victor Hugo « Demain dès l’aube… » ), l’Art de la BD (comme « Pierre Tombal » de Marc Hardy – Raoul Cauvin), des jeux vidéo, des films de science fiction,  le fantasy Art, la musique classique (Moussorgski, Schubert…). Certains arrivent ainsi  à exorciser la peur qu’elle engendre et tentent ainsi de l’imager… D’autres vont la tourner en dérision…

J’ai lu tellement de citations sur internet qu’il est difficile de choisir mais certaines se jouent de la tristesse…

Selon Alphonse Allais:

« La mort est un manque de savoir vivre »

Avis partagé par Pierre Dac

« La mort n’est en définitive, que le résultat d’un défaut d’éducation puisqu’elle est la conséquence d’un manque de savoir vivre. » 

Tableau de sable - HalloweenHalloween est une fête traditionnelle héritée de la fête païenne de Samain (Dieu de la Mort),  d’origine Celte, durant 7 jours, officiée par des Druides, célébrée  au début de l’automne, considérée alors comme une sorte de nouvel an. Selon les croyances d’alors, c’était une période où les hommes (appartenant au monde réel) pouvaient communiquer avec des gens de l’autre monde (irréel) esprits, Dieux et démons. On pensait alors que les portes entre le monde des  vivants et celui des morts  étaient ouvertes. Tout un rituel  (avec le feu, des offrandes et des costumes effrayants) consistait à chasser les esprits malveillants.

Elle a lieu maintenant dans la soirée  du 31 octobre, la veille de la fête chrétienne la Toussaint, dont l’église catholique  en a fixé la date au 1er novembre à partir du VIIIème siècle, christianisant ainsi la fête païenne Samain (« All Hallows’ Eve » pouvant être traduit par « la veille de tous les Saints »). C’est une fête très populaire en Irlande, Écosse et Pays de Galles. Elle est apparue aux États-Unis et au Canada avec l’arrivée massive d’émigrants irlandais et écossais, suite à la grande famine (1845-1851). On la retrouve aussi en Australie et en Nouvelle-Zélande. En France elle a eu peu d’impact, critiquée pour être une fête trop commerciale.  Elle est devenue très populaire à partir de 1920. Les citrouilles ont remplacé les navets voire des betteraves et rutabagas, utilisés en Europe pour les lanternes emblématiques d’Halloween (Jack-o’-lantern personnage le plus populaire, issu d’un conte irlandais et qui a dupé le diable à plusieurs reprises, puis fut condamné à errer éternellement dans l’obscurité entre enfer et paradis, à la lueur d’un tison posé dans 1 navet).

Tableau de sable - HalloweenHalloween est surtout une fête pour les enfants, qui se déguisent en sorcières, monstres, vampires, fantômes, esprits maléfiques…, ce qui symbolise les âmes des morts venus rendre visite aux vivants. Ils vont sonner aux portes pour demander des bonbons (« Trick or treat » signifiant « des bonbons ou un sort »!!). La soirée peut comporter aussi des feux de joie ou feux d’artifices.

Les maisons sont décorées avec de multiples autres figures associées à Halloween: chauves-souris, hiboux, corbeaux, vautours, maisons hantées, cimetières, chats noirs, araignées, toiles d’araignées, zombies, momies, loups-garous, démons, gobelins, goules, squelettes, etc… Tableau de sable - Halloween - Frankenstein and his Bride

ou ce qui peut alimenter le cinéma d’horreur et d’épouvante (Dracula, Frankenstein…). On voit aussi la création d’un véritable décor effrayant  devant les maisons avec des effets sonores et de la fumée pour amplifier encore plus toute cette ambiance un tant soit peu macabre!!!. Les couleurs d’Halloween sont principalement le noir et l’orange.

 

Je vais terminer cet article par cette « note fleurie » avec Jacques Brel – Le Moribond »

C’est dur de mourir au printemps, tu sais
Mais je pars aux fleurs la paix dans l’âme »