Partager un certain « Art de Vie »

Un Art de Vie

 

C’est une nouvelle rencontre  qui a motivé cet article. Elle a permis d’ouvrir à nouveau mon livre  « Un Art de Vie », de jeter un autre regard sur le cours de la vie, de compléter la motivation initiale, le parcours écrit et le cheminement pictural du livre.

 

Un Art de Vie

 

Un Art de Vie

En effet la vie est jalonnée de rencontres. Certaines sont lumineuses et c’est ainsi que naissent des amitiés profondes et durables, voire des liens familiaux importants. D’autres se sont évanouies avec le temps, parfois à regret.  Que ce soit au niveau professionnel ou hors des sentiers battus, que ce soit en voyage ou lors d’activités de loisir, que ce soit par hasard ou par le biais d’associations… L’éventail est large. C’est alors qu’il faut savoir apprécier  les moments partagés, les pôles d’affinité qui sont un lien, le soutien et l’aide apportée en cas de difficultés… Non la vie n’est pas « un long fleuve tranquille » et nous réserve parfois des obstacles qui paraissent insurmontables.

 

 

Plusieurs déménagements ont effacé des images de mon enfance et de mon parcours scolaire. Ma vie d’étudiante m’a apportée des amitiés durables qui ont résisté au temps et aux distances. Elle a laissé aussi une certaine nostalgie, des vides et des questions restées en suspens quant au devenir de certaines personnalités, ou le choix d’avoir rompu le fil de la vie.

 

Un Art de VieC’est le parcours professionnel qui a apporté le plus de diversité dans les rencontres. Il a contribué aussi à mettre des distances avec le passé qui parfois a ressurgi brutalement, ou à appréhender le présent qui réserve aussi des moments difficiles qu’il faut pouvoir gérer. Il  a appris à apprécier et soutenir des personnes confrontées à des soucis ou à la maladie, à admirer leur côté positif avec le sourire pour continuer à avancer; mais aussi à partager des moments reposants ou emprunts de gaité, de joie et de rires. Des relations d’amitié solides, de confiance mutuelle,  se sont créées alors et perdurent.

 

Un Art de Vie

Un Art de Vie

Des personnes suscitent l’admiration quant à leur intelligence et leur ouverture d’esprit, leur sensibilité et leur humanité ou leur propension altruiste… D’autres ont une personnalité insondable et parfois on se heurte à un mur d’incompréhension. Plus on essaie alors de les  comprendre et plus c’est le brouillard qui porte finalement à lâcher prise. C’est cette première réflexion qui avait motivé l’écriture du livre sans doute pour tenter de chercher des réponses. Mais d’autres gardent leur mystère et aussi un côté attachant qu’il faut préserver pour avoir une bonne entente. D’autres encore dévoilent leur vrai « visage » et c’est la déception puis le rejet surtout quand ils font l’unanimité face à leur personnalité néfaste.

 

 Un Art de Vie

 Un Art de Vie

Une vie extra-professionnelle apporte aussi des « liens durables » reposant sur une certaine affinité, et avec lesquels on se sent en « connexion ». De plus, quand le monde du travail s’éloigne et que l’heure de la retraite a sonné, le temps de faire le constat d’une vie arrive, ainsi que de se poser, de sélectionner et cultiver précieusement ce « jardin » de personnes que l’on apprécie. C’est comme un bouquet de fleurs riche de couleurs et de senteurs…

Un Art de Vie

Un Art de Vie-couverture du livre

Le début de l’histoire du livre « Un Art de Vie » remonte aux années 2003-2004. Sa réalisation a demandé plusieurs mois. J’ai voulu porter un regard sur la vie, mais pas uniquement la mienne mais aussi celle de mes proches,  mes amis, mes patients. Car j’ai été sensibilisée par les situations difficiles dont j’ai été témoin et que j’ai rencontrées. J’ai posé alors par écrit des réflexions sur le parcours de la vie avec ses hauts et ses bas,  lequel s’apparente par certains côtés à l’art, notamment la peinture avec ses jeux d’ombre et lumière, de clair et d’obscur. C’est ainsi que pour chaque pensée j’ai cherché à associer un dessin, mêlant ainsi plume-pinceau. Comme j’ai travaillé principalement auprès d’enfants, j’ai choisi comme fil conducteur, pour illustrer ces propos, une fillette avec ses joies et ses peines, accompagnée de son Doudou et de son Pierrot, en fusionnant ainsi légèreté de l’aquarelle et gravité des propos. Elle m’a aidée ainsi durant tout le parcours de mon livre, pour poser son regard d’enfant sur la vie.

Quand on est parent il n’est pas toujours facile d’expliquer aux enfants ce qui cause des tourments et on n’a pas envie de briser parfois leur insouciance. Ils vont découvrir en grandissant leur propre expérience de vie, laquelle est une grande aventure jalonnée de passages tantôt heureux avec des rires, tantôt douloureux avec des larmes. C’est le mystère d’un devenir et ne dit-on pas « la vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie » (André Malraux)!

Non la vie n’est pas « un long fleuve tranquille ». Son cours peut rencontrer des tourbillons et se heurter à des obstacles parfois difficiles à affronter, voire qui semblent insurmontables. Elle peut ainsi s’arrêter brutalement, mais elle réserve aussi des moments fabuleux, comporter des rencontres inoubliables,  et ainsi accrocher ces perles au fil du temps et que l’on voudrait retenir, mais auxquelles il faut s’accrocher quand les passages à vide surviennent.  Il faut apprendre à vivre l’essentiel dans l’instant présent, « carpe diem » (devise qui orne souvent les cadrans solaires) car « hier n’est plus et demain ne sera peut-être jamais ». C’est « un Art de Vie ».

Abécédaire

Rimbaud-Voyelles-caricature de Manuel Luque-source wikimédia

Passionnée par tout ce qui a trait à la couleur, après « Un Art de Vie » je voulais reprendre une alliance plume-pinceau  pour réaliser un Abécédaire des couleurs. Mes recherches avant d’aborder mes premières esquisses ont ouvert 2 voies: l’origine des abécédaires et un poème d’Arthur Rimbaud « Voyelles ».

Livre Lettres et Merveilles

Un abécédaire est un moyen visuel ancien, déjà évoqué longtemps avant l’invention de l’imprimerie, très répandu du XV au XIXème siècle. Il est alors en bois, en plomb, en fer, voire en argent dans des familles nobles mais aussi en ivoire, en os… puis avec l’essor de la papeterie et de l’imprimerie il s’écrit sur du papier, du carton, dans des livres. L’imagination est infinie car on le retrouve aussi sous forme de pain d’épice.  Il a aussi sa place dans la broderie. Il  représente les majuscules et les minuscules voire des combinaisons de voyelles et consonnes. Sur d’anciens « hornbooks »on retrouve aussi des chiffres romains et arabes.

Il  comporte l’ensemble des symboles d’un alphabet, destiné à la jeunesse pour l’apprentissage de l’écriture et de la lecture. Il est à la fois ludique, illustré de dessins ayant trait à l’univers des enfants (jouets, animaux, contes, nature, fleurs…). Il peut s’inscrire aussi dans une démarche  plus instructive (histoire, géographie, art…). Il comporte des syllabes, des mots, des petites phrases, des textes… Avec l’illustration en couleur, l’abécédaire est en fait un alphabet illustré. Mais la musique offre aussi son abécédaire avec l’alphabet de Mozart et  comptine pour enfant.

Les imprimeurs et typographes utilisent des abécédaires pour  voir le rendu d’une police de caractères (lettres, chiffres…), avec souvent un pangramme qui est une phrase ayant la caractéristique de contenir toutes les lettres de l’alphabet, même si elle peut n’avoir aucun sens, comme « Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume » ou pour Windows « Voix ambiguë d’un coeur qui au zéphyr préfère les jattes de kiwis ».

Arthur Rimbaud

Alors que j’étais adolescente, j’ai vu un jour une exposition sur Rimbaud avec des tableaux modernes qui illustraient son poème « voyelles », écrit en gros caractères. J’ai fui tellement j’ai trouvé cela laid et absurde.

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges ;
O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

Puis j’ai repris ce poème avec un autre regard, d’adulte, et j’ai cherché les analyses qui en ont été faites et qui ont fait couler beaucoup d’encre. Les  interprétations en sont nombreuses. L’énumération des voyelles avec le O final et non le U (A-E-I-U-O) rappelle le O de Oméga dernière lettre de l’alphabet grec avec le A de Alpha la 1ère lettre. Rimbaud invente la couleur des voyelles sans logique. Il y associe des impressions visuelles, tactiles, olfactives, auditives et des tableaux qui évoquent illuminations et hallucinations.

Les couleurs évoquent  des sensations, pour le noir: saleté, nuit, cruauté, mort, pour le blanc:  pureté, innocence, légèreté, pour le rouge:  lèvres mais aussi  violence avec le sang, excès avec la colère et les ivresses, pour le vert:  paix et  sérénité, pour le bleu: le divin, le ciel, avec ange  et clairon, quant au violet (situé au bout du spectre des couleurs) il termine ce poème et évoque un regard perçant (d’une femme?).  Le poème peut suggérer un cycle de la vie en commençant avec le noir, le néant d’où va surgir la lumière le blanc qui contient toutes les couleurs (cf. décomposition de la lumière blanche au travers d’un prisme). Ainsi le  E  suggère la naissance, l’enfance avec la candeur, le I l’âge de la maturité avec des excès, le U la vieillesse avec la sagesse et la paix, et le O les cieux.

Un abécédaire dans son enfance, quand il apprenait à lire,  l’aurait peut-être influencé dans le choix de ses couleurs où à chaque lettre correspondait une image. On évoque aussi un reflet d’un enseignement musical où à la couleur des notes était associé le son d’une voyelle. Certains ont même une interprétation érotique de ce poème… A chacun d’y trouver son ressenti ou son rejet.

Ce qui est passionnant dans l’écriture d’un article ce sont les recherches sur internet ou dans des livres, qui montrent l’étendue infiniment grande des connaissances actuelles. C’est un univers  où on se perd et plus on avance, plus on a l’impression de ne rien savoir. C’est le constat qu’une vie entière sera à une année lumière de pouvoir étudier toutes ces « ressources » pour les centres d’intérêt choisis…

« Le dormeur du val »

Arthur Rimbaud

J’ai habité autrefois  à Charleville-Mézières où est né Arthur Rimbaud, célèbre pour son génie précoce (il a écrit ses premiers poèmes à l’âge de 15 ans), mais il a renoncé à l’écriture à 20 ans et il a quitté la vie prématurément à 37 ans. Il a vécu une vie aventureuse faite de fugues, de rencontres, de voyages et d’épreuves. Une légende est née.  Ses poésies comme « Bateau ivre », « Voyelles » et « Le dormeur de val »  font partie de notre « patrimoine littéraire classique ».

Je voudrais m’attarder sur « Le dormeur du val », écrit lors d’une fugue, à l’âge de 16 ans,   dénonçant l’horreur de la guerre (franco-prussienne alors). Ce poème est d’une grande sobriété, tout en retenue, avec au départ le décor  lumineux d’une nature vivante, personnifiée, apaisante, colorée et protectrice. Arthur Rimbaud joue avec les mots et les symboles, nous entraîne sur une « fausse piste » pour  terminer,  dans le dernier vers, sans violence, sur un retour à la triste réalité, avec ce jeune soldat non pas endormi mais mort au combat. C’est la dénonciation de l’absurdité de la guerre. Cela reste tellement d’actualité.!!!

Le Dormeur du Val est souvent illustré par le tableau de Gustave Courbet  de « L’homme blessé »  (Musée d’Orsay).

G.Courbet-L'homme blessé-Wikimédia

C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

J’ai cherché parmi nos photos  de voyages celles qui auraient pu m’inspirer pour dessiner et peindre le Dormeur du Val.

Guernesey

 

 

J’ai choisi pour terminer cet article, une photo apaisante capturée en Écosse d’un homme assoupi auprès d’une rivière.

Ecosse

 

Je voulais faire partager ce poème à ces familles victimes de violence, d’attentats ou marquées par la guerre.

Lien poétique

Maurice Rollinat

Une poésie avait marqué ma petite enfance « La biche »  de Maurice Rollinat  (Les refuges, 1883)

La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux :
Son petit faon délicieux
A disparu dans la nuit brune.

Pour raconter son infortune
A la forêt de ses aïeux,
La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux.

Mais aucune réponse, aucune,
A ses longs appels anxieux !
Et le cou tendu vers les cieux,
Folle d’amour et de rancune,
La biche brame au clair de lune.

Ecosse

 

Je n’imaginais pas alors ce que peut être la douleur d’une mère et d’un père  ayant perdu leur enfant.

Ecosse

Ensuite, durant le parcours scolaire et l’étude de tous nos grands auteurs, comme beaucoup j’ai découvert Victor Hugo

Victor Hugo

et qui ne connait pas « Demain dès l’aube… » (Les Contemplations, 1847)

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Ecosse

 

Victor Hugo s’adresse à sa fille Léopoldine, noyée accidentellement avec son mari et voici les derniers vers de cet  autre très beau poème  Charles Vacquerie.

Vivez ! aimez ! ayez les bonheurs infinis.
Oh ! les anges pensifs, bénissant et bénis,
Savent seuls, sous les sacrés voiles,
Ce qu’il entre d’extase, et d’ombre, et de ciel bleu,
Dans l’éternel baiser de deux âmes que Dieu
Tout à coup change en deux étoiles !

Mais la vie continue et il  a écrit de superbes poèmes  ( comme l’Art d’être grand-père, Les chansons des rues et des bois…) et Victor Hugo est une légende: grand artiste polyvalent,  auteur (théâtre, romans, poésies), mais aussi dessinateur (plume, encre…) et photographe, de quoi emplir une vie entière.

Nous avons visité sa maison, « Hauteville House »  à Guernesey, lorsqu’il était en exil et qu’il a habitée pendant 15 ans.

L’intérieur de cette maison, aménagé et décoré par lui-même, est vraiment particulier. J’étais loin d’imaginer cet univers unique, hétéroclite, assez extravagant, avec un mélange de styles et de matériaux (tapisseries, boiseries, faïences…), lieu d’écriture pour certaines de ses grandes œuvres (Les Misérables, les Travailleurs de la mer…).

D’une atmosphère sombre au départ on arrive au dernier étage lumineux avec vue sur la mer (belvédère, crystal room ou look-out)  où il déploya toute son imagination créative, en écrivant debout.