Je continue mon parcours en prenant la voie des ponts et passerelles. C’est avec des citations qui restent d’actualité que je débute cet article:
« Les gens construisent trop de murs et pas assez de ponts. » Isaac Newton
« Les gens se sentent seuls parce qu’ils construisent des murs au lieu de ponts. » Joseph Ford Newton
Le pont, moyen de communication, peut être comparé à un important trait d’union reliant les gens d’une rive à l’autre, d’une ville à l’autre, d’un site à l’autre…
Ce sont aussi des petits ponts en pierre, surgis au détour d’un chemin, noyés dans la végétation, enjambant une petite rivière, ou passerelles isolées en pleine montagne.
Depuis longtemps les ponts exercent un intérêt notoire, d’ordre pratique car ils facilitent les passages, communications et transports, et d’ordre artistique selon leur conception, architecture, sculptures, ornements et matériaux utilisés (pierres, métal, béton armé, bois, cordes, voire racines…). Tout ceci explique leur grande diversité et l’attrait qu’ils exercent pour les promeneurs et l’œil du photographe.
Qu’ils soient petits ou majestueux voire grandioses, qu’ils soient anciens ou modernes, qu’ils surplombent une rivière, un fleuve, la mer, une route, une voie ferrée ou une vallée, ils fascinent tout autant. Il suffit de voir sur internet la multitude de photos des plus beaux ponts du monde.
Pour moi un petit pont en pierre authentique en pleine nature a autant d’intérêt qu’un grand pont contemporain dont on peut admirer les prouesses techniques et le gigantisme (comme en Asie avec des ponts maritimes de plus en plus longs au delà de 30Km). Mais une prouesse technique différente se retrouve aussi dans l’antiquité, comme le pont aqueduc romain du Gard (à 3 niveaux) qui a traversé bien des siècles et fascine toujours les gens.
« La conscience est un trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir. » Henri Bergson
Il existe aussi un attrait photographique pour tous ces ponts qui permettent d’accéder aux châteaux isolés sur leur île et ces ponts-levis des châteaux forts. Ils entrainent l’imaginaire vers un passé lointain.
« L’esprit du château fort, c’est le pont-levis. » René Char
La classification des ponts est vraiment un domaine d’experts. Elle relève de différents critères: fonction, matériaux, structure, importance de l’ouvrage et selon différents autres critères… Mais ces classements se croisent entre eux et forment des subdivisions. Pour résumer, la classification selon la fonction comprend: des ponts-routes ou autoroutes, ponts ferroviaires, passerelles (pour piétons et 2 roues), aqueducs (avec une canalisation d’eau), ponts-canal (portent un canal), ponts-avions comme à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle (qui surplombe l’autoroute, pour permettre aux avions de franchir la route), écoducs (pour aider des animaux de franchir des obstacles).
La classification selon leur structure, la conception architecturale, comporte 5 types: en arc (avec une seule arche), à voûtes, à poutres, à haubans et suspendus. Les ponts voûtés, appelés pont en maçonnerie ont été longtemps construits en pierre. Le métal et béton sont maintenant utilisés. La voûte présente des formes différentes (demi-cercle ou arc de cercle, ogive, ellipse). Les ponts à poutres désignent ces ponts dont l’élément porteur est une ou plusieurs poutres droites comportant forme et matériaux différents (métal, béton armé, béton précontraint, bois, fibre de carbone). Les ponts suspendus comportent des tabliers en béton ou en acier et des éléments porteurs: suspentes, câbles, pylônes. Les ponts à haubans présentent aussi un tablier en béton ou en acier et des éléments porteurs: pylônes en acier ou en béton et câbles inclinés.
La classification selon la nature comporte des ponts fixes et mobiles (ponts dormant, levant, flottant, volant, à bascule, tournant, transbordeur, tubulaire, pont-levis …), transitoires et habités. On trouve aussi les classifications selon la taille et selon la brèche franchie (sa taille et sa nature terrestre ou maritime).
Je suis très admirative face à la beauté et l’élégance du viaduc de Millau et sa prouesse technique. Je me sens aussi attirée par les petits ponts en pierre et leur légende (comme le fairy bridge en Écosse).
C’est aussi la passerelle, durant mon enfance, qui permettait de franchir la rivière du moulin de mon grand-père.
J’ai aussi une chanson enfantine en tête
Sur le pont d’Avignon,
On y danse, on y danse,
Sur le pont d’Avignon
On y danse tous en rond
mais depuis le temps a passé (« l’eau a coulé sous les ponts »). Je suis aussi séduite par tous ces ponts et passerelles dans les villes, chargés d’histoire qui ont un nom, une authenticité (comme à Paris où 37 ponts enjambent la Seine et 49 passerelles piétonnes, sans compter tous les autres ponts utilisés par la SNCF, RATP et sur le périphérique; Venise avec plus de 400 ponts reliant 124 îlots, Rome, etc…). Ces ponts ont vu défiler les années martelés par des pas, des sabots et des roues et restent admirés, filmés, photographiés maintes et maintes fois.
Le mot « pont » se retrouve aussi dans la mécanique automobile (avec ponts avant et arrière: organes de transmission du moteur aux roues) et la réparation et l’entretien d’un véhicule (avec pont élévateur ou pont de graissage), sur les bateaux (ponts principal, supérieur, inférieurs), et des porte-avions (pont d’envol). Faire le pont est une figure d’acrobatie (gymnastique, lutte) et aussi ne pas travailler entre des jours fériés et un week-end. On utilise aussi ce mot dans le domaine aéronautique (pont aérien) quand les transports maritimes ou terrestres ne sont pas opérationnels ou trop lents, de même dans le domaine sportif au football ( avec grand pont et petit pont ou actions de faire passer le ballon), voire dans le domaine des jeux de cartes (faire le pont: courbure d’une carte réalisée par un tricheur de sorte que l’adversaire coupe à cet endroit). Autrefois terme aussi utilisé par des tailleurs « pantalon à pont » pour le panneau avant d’une culotte ou d’un pantalon (qui était la partie antérieure qui se boutonnait à droite et à gauche ou pouvait s’abaisser). On le retrouve en terme d’anatomie, de biologie, de chimie, de chirurgie mais aussi de théâtre, d’électricité, de musique (transition entre 2 thèmes), d’horlogerie (pièce d’une montre ou pendule portant le pivot d’une roue). Le Littré définit aussi avec ce mot la base des tuyaux d’orgue et une des anses d’une cloche (à laquelle les autres vont se joindre par le haut). On retrouve aussi ce mot dans beaucoup d’expressions comme « le pont aux ânes » (représente une banalité, une chose facile que tout le monde sait ou peut faire), « couper les ponts », « faire un pont d’or à quelqu’un », « couper les ponts », « finir sous les ponts », « être sur le pont » (à son poste)….
Le pont se retrouve aussi dans des citations, voire des poèmes. J’ai trouvé un passage littéraire d’Arthur Rimbaud: Les ponts- Illuminations
« Des ciels gris de cristal. Un bizarre dessin de ponts, ceux-ci droits, ceux-là bombés, d’autres descendant ou obliquant en angles sur les premiers, et ces figures se renouvelant dans les autres circuits éclairés du canal, mais tous tellement longs et légers que les rives, chargées de dômes, s’abaissent et s’amoindrissent. Quelques-uns de ces ponts sont encore chargés de masures. D’autres soutiennent des mâts, des signaux, de frêles parapets. Des accords mineurs se croisent et filent, des cordes montent des berges. On distingue une veste rouge, peut-être d’autres costumes et des instruments de musique. Sont-ce des airs populaires, des bouts de concerts seigneuriaux, des restants d’hymnes publics ? L’eau est grise et bleue, large comme un bras de mer. – Un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit cette comédie ».
Je vais terminer par une autre citation du peintre Eugène Delacroix:
« Dans la peinture, il s’établit comme un pont mystérieux entre l’âme des personnages et celle du spectateur ».