Une Bibliothèque « carrefour de tous les rêves de l’humanité » Julien Green

Le nom de la Rose -Umberto Eco - Film de Jean Jacques Annaud - Source Pinterest

L’envie de cheminer sur la voie des bibliothèques est née d’un commentaire de l’article concernant l’histoire fantastique « Murée vive ». Un Monsieur (retraité comme moi), avait été fasciné et passionné par cette histoire dans son enfance, m’apprenant alors qu’il s’agissait d’un fait réel, ce qui rend cette histoire  d’autant plus troublante et prenante. Il m’a alors envoyé  des images de son vieux livre

 

Il m’apprit que le château dont il était question était vraiment Montségur. Il y a fort longtemps, j’ai visité ce château cathare, loin d’imaginer alors ce lien avec l’histoire en question qui m’avait hantée  pendant tant années. C’est grâce à la vulgarisation d’internet et le site des collections numérisées de la BNF (Gallica) que j’ai enfin retrouvé cette histoire après avoir parcouru en vain bien des étagères de librairies et bibliothèques.

 

Tolstoi avec ses petits-enfants - Source PinterestC’est aussi grâce à internet que j’ai retrouvé la nouvelle de Léon Tolstoï dont s’est inspiré John Muth pour faire un très beau livre d’enfant (l’un de mes préférés tant par le graphisme que l’histoire) inspiré de cette nouvelle: « Les trois questions ».

 

 

 

 

Internet est vraiment un « puits de connaissances »  et lieu de partage qui permet d’accéder rapidement à tellement  de savoir, d’histoires, de documents, de sciences, de photos, de culture, etc… que cela en donne le vertige. Un nouveau chapitre dans l’histoire du livre a été écrit avec le livre numérique et internet. Une adaptation des bibliothèques a été nécessaire pour s’accorder à ce nouveau mode de diffusion des connaissances et prendre un nouveau départ pour éviter leur déclin.

Livre de Winston Graham - MarnieTous les livres, notamment ceux avec une riche iconographie, ne sont pas comme des romans facilement numérisables. De même des livres très anciens à tirage limité, difficiles à scanner et à se procurer, font la joie de collectionneurs, mais aussi de chercheurs, d’étudiants… et enrichissent les étagères de certaines bibliothèques. Des collectionneurs sont en quête des 1ères éditions (comme par exemple les livres de Jules Verne, voire des BD). D’autres, simplement lecteurs, désirant posséder un livre, recherchent un livre dont s’est inspiré un scénariste pour un film (c’est ainsi que autrefois j’ai trouvé chez  Emmaüs un livre de Winston Graham « Marnie » dont s’est inspiré Alfred Hitchcock pour « Pas de printemps pour Marnie »). Il ne faut pas nier non plus l’engouement pour une littérature contemporaine comme les « Harry Potter »… C’est ainsi que chacun en arrive à créer sa propre bibliothèque en fonction de ses aspirations.

« Sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l’horizon. »  Jack London

 

Reconstitution Bibliothèque d' Alexandrie - Carl Sagan - Au bord de l'océan cosmique - Source PinterestUne série de 13 documentaires « Cosmos », diffusée en 1980, m’avait interpellée, conçue par Carl Sagan. Cet astronome a découvert à 7 ans l’astronomie dans un ouvrage emprunté à la bibliothèque de New-York.  A plusieurs reprises il a évoqué des bibliothèques et les livres, supports de l’information, « invention de la mémoire collective ». Au départ  dans le 1er documentaire, il a fait revivre un grand mythe de la grande bibliothèque d’Alexandrie, créée au III ème siècle av J-C par Ptolémée 1er, ouverte aux érudits et aux grands intellectuels. Cette bibliothèque, à jamais disparue (incendiée), possédait 1 million de rouleaux de papyrus. Il a cité par la suite la bibliothèque de Ninive (ancienne ville assyrienne, l’une des plus anciennes villes de Mésopotamie) qui abritait des milliers de tablettes cunéiformes.

 

Carl Sagan - Bibliothèque New york - "La persistance de la mémoire"Dans le 11ème documentaire (« la persistance de la mémoire ») il s’est arrêté longuement dans la grande bibliothèque de New York avec ses 10 millions de livres et tellement de connaissances. En fait c’est cet épisode qui avait marqué mon esprit car j’avais gardé en mémoire ce constat qu’il avait fait devant les rayonnages de livres: « si je lis un livre par semaine pendant toute ma vie d’adulte, avec une espérance de vie normale , j’aurais lu quelques milliers de livres, pas plus, 1/1000ème de cette bibliothèque » et il a joint le geste à la parole montrant l’étendue alors du rayonnage concerné. Mais quel livre faut-il lire?

Il a abordé alors l’historique de l’écriture (qui pour lui « est sans doute l’une des plus grandes inventions ») et du livre où l’auteur s’adresse directement au lecteur (« il suffit d’en ouvrir un et on est dans le cerveau d’une personne peut-être morte depuis des milliers d’années, par delà les millénaires… Les livres font connaitre les pensées des grands esprits, notre histoire… Ils brisent les chaînes du temps…et nous font voyager dans le temps »). L’écriture et les livres rapprochent ainsi des gens qui ne se connaissent pas, voire d’époques éloignées. Carl Sagan évoque tout ce parcours de l’écriture, puis l’imprimerie permettant de passer de quelques milliers de livres écrits à la main, à des millions édités à l’heure actuelle.

Des millions de données et d’informations sont ainsi stockées dans des livres et des ordinateurs reliés à travers le monde. Avant le savoir se transmettait oralement, maintenant les livres sont les dépositaires de  nos connaissances, mais aussi de l’imagination, des idées et des pensées etc… Les bibliothèques sont donc des lieux de partage de savoir et de mémoire. Selon Carl Sagan en Égypte les bibliothèques portaient cette inscription « de la nourriture pour l’esprit » et sur le monument funéraire de  Ramsès II « remède pour l’âme ». Les bibliothèques ont du s’adapter à ces nouveaux modes de communications informatiques planétaires.

« En Afrique quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » Amadou Hampâté Bâ

Homme vitruvien - Lénoard de Vinci - TapisL’histoire des bibliothèques est très ancienne et de très nombreux ouvrages lui sont consacrée. Le mot vient du grec ancien signifiant lieu de « dépôt du livre », où est donc organisée, conservée et lue une collection de livres et de documents. La plus ancienne bibliothèque dont on a connaissance chez les Grecs daterait du VIème siècle avant notre ère (au temps de Polycrate sur l’île de Samos) et Pisitrate fut le premier à fonder une bibliothèque publique à Athènes. Les officiers romains, en colonisant la Grèce, pillèrent les bibliothèques royales. La plus remarquable fut celle de Lucullus qui en fit un lieu de discussion et villégiature. Il aménagea la bibliothèque à Rome avec des galeries et des salles accessibles à tous. La 1ère bibliothèque publique à Rome ouvrit en 39 av J-C. (à Florence en 1437 après J-C…). La bibliothèque devint un lieu de rencontres privilégiées avec diffusion du savoir, de réflexion, d’échanges, puis ouvert à la culture grecque et latine. Peu à peu les bibliothèques privées et publiques se multiplièrent. Rome en comptait 3 au début du 1er millénaire puis 28 en 377. Elles étaient souvent intégrées au thermes. Ces thermes-bibliothèques devinrent des centres culturels complets avec des jardins, salles de lecture et salles de travail. Vitruve, grand architecte, préconisait alors l’orientation vers l’Est d’un tel édifice pour capter la lumière et réduire l’humidité susceptible d’endommager les livres (Vitruve a influencé dès la Renaissance des penseurs, architectes et artistes  comme Léonard de Vinci et son célèbre « Homme vitruvien » – proportions du corps humain). De même en Chine au III et IV ème siècle av J-C il existe un  mouvement important de diffusion de textes et la fondation d’une bibliothèque impériale.

Au Moyen Âge, ce sont surtout les monastères et l’église qui conservaient les textes, chrétiens ou païens (textes de l’antiquité), et enrichissaient les bibliothèques. Ces bibliothèques ecclésiastiques étaient non seulement des centres de conservation  (d’œuvres antiques qui auraient peut être à jamais disparu), mais aussi d’étude (par exemple de textes sacrés) et de copies de livres devenus rares (scriptorium: atelier des moines copistes). De même le monde musulman avec la culture de l’Art islamique (au VI ème siècle) va disposer ensuite de grandes bibliothèques (Fès, Cordoue…).

 

Dès le XII-XIII ème siècle les universités, les collèges ont crée peu à peu en Europe, leurs propres bibliothèques et prirent le relais des monastères et en complétèrent le travail. Les rois aussi ont constitué leurs propres bibliothèques (Saint Louis, Charles V, Charles VIII…), puis  de grands penseurs et collectionneurs (Mazarin, Colbert, Richelieu…). De même en Italie Au XVII ème siècle sont apparus des cabinets de lecture.

Dès le XVI ème siècle l’invention de l’imprimerie a été une petite révolution et allait enrichir les collections des bibliothèques qui s’ouvraient de plus en plus largement au public partout en Europe (France, Italie, Angleterre, Europe centrale… puis dans les colonies et aux États Unis). Sous l’impulsion de François 1er  le commerce des livres se développa ainsi que l’organisation de salles de lecture dans les bibliothèques. Avant le pouvoir royal encadrait fortement la librairie pour avoir un regard sur tout ce qui était édité. Ensuite vont apparaitre les revues littéraires (la Gazette, le Mercure de France..). Puis ce sera largement le développement du monde de l’édition.

Le bibliothécaire - D'après Giuseppe ArcimboldoLe transfert de collections privées au public s’accéléra en France notamment à la Révolution où les livres des universités, des académies, des sociétés savantes, des émigrés, des aristocrates, du clergé… furent confisqués et confiés aux communes, placés dans des dépôts littéraires. Puis les bibliothèques municipales  s’ouvrirent largement au public, s’organisèrent et le métier de Bibliothécaire  apparut. Les inventions technologiques  permirent l’essor de la presse périodique, la diffusion de livres à coût modéré, la multiplication des maisons d’édition … Nombreuses furent les bibliothèques municipales, départementales, régionales, nationales, scolaires,  universitaires, d’entreprises, d’enseignement et de recherches, spécialisées (musicales, juridiques, médicales…) etc… Ce fut une grande révolution culturelle avec la liberté d’expression et de Presse, mais le livre allait être de plus en plus concurrencé par les médias: radio, télévision, internet.

 

 

Les bibliothèques ont du s’adapter aux changements culturels et sociétaux et devenir des lieux de rencontres, d’action culturelle avec conférences, colloques, expositions, de partenariat avec le monde associatif (pour lutter contre l’analphabétisme, l’aide aux nouvelles technologies de l’information et la communication… ). Ce n’est plus uniquement un lieu de prêt de livres. La majorité des bibliothèques ont leur portail Internet. Avec l’essor du livre numérique, certaines bibliothèques proposent le prêt numérique. On est loin de cette image du « Rat de Bibliothèque » de Carl Spitzweg!!!

 

Bibliothèque de Celsus - Source WikipédiaMes recherches m’ont menée vers beaucoup de photos de bibliothèques à travers la monde, dont certaines sont tellement belles qu’elles fascinent des photographes tant sur le plan architectural que l’unicité de certains de ces lieux prestigieux chargés d’histoire (comme Reinhard Görner, qui a passé 10 ans à visiter les plus belles bibliothèques au monde). De nombreux sites sur internet présentent les plus belles bibliothèques au monde et le choix est tellement difficile que je les laisse  découvrir pour qui s’y intéresse. Je présente seulement un petit retour sur le passé avec cette photo de la bibliothèque de Celsus d’Éphèse en Turquie qui a été incendiée comme celle d’Alexandrie que j’ai vue il y fort longtemps à l’occasion d’un voyage…

Je vais terminer ce chapitre avec Umberto Eco dans « le nom de la Rose »:

Le nom de la Rose -Umberto Eco - Film de Jean Jacques Annaud - Source Pinterest - Peinture de Claude Gazier

« La bibliothèque se défend toute seule, insondable comme la vérité qu’elle héberge, trompeuse comme le mensonge qu’elle enserre. Labyrinthe spirituel, c’est aussi un labyrinthe terrestre. Vous pourriez entrer et vous ne pourriez plus sortir. »