“Chapeautons”
La définition du Larousse pour “chapeauter” outre coiffer d’un chapeau et contrôler un groupe ou autre, c’est aussi “écrire le chapeau d’un article”, c’est pourquoi je commence ce thème “chapeaux” par une citation de Victor Hugo dans les Misérables:
“Il suffit d’un sourire entrevu là-bas sous un chapeau de crêpe blanc à bavolet lilas, pour que l’âme entre dans le palais des rêves.”
Avant de continuer cet article je m’arrête sur ce mot bavolet qui est là un morceau d’étoffe ou ruban fixé derrière un chapeau de femme. J’ouvre cette page en pénétrant dans ce monde des chapeliers, modistes, plumassiers.. car depuis longtemps j’aime les chapeaux. Pour illustrer voici quelques dessins, car il y a plus de 20 ans, quand j’ai repris le dessin, j’ai commencé par le portrait. J’ai alors pris plaisir à dessiner des chapeaux.
Nous avions récupéré d’un aïeul un chapeau melon et des lunettes qui ont fait mon bonheur de dessinatrice.
Le chapeau fait partie des couvre-chefs dont la liste est très longue. Je suis partie ainsi à la découverte de couvre-chefs datant du Moyen Âge, des anciens temps ou de contrées lointaines.
Des mots sont très connus comme béret, bob, bibi, bonnet, coiffe (régionales comme en Bretagne), canotier, capeline (emblème de la féminité), casquette (apparue au XIXème siècle), etc… J’en retiens entre autres quelques uns: le deerstalker britannique (traqueur de cerfs) que Sherlock Holmes a rendu célèbre, le Tam o’ shanter (béret traditionnel écossais), le Glengarry (calot traditionnel écossais), le Borsalino appelé aussi Fedora (emblème des gangsters et détectives), le galeron (chapeau en feutre des fauconniers au Moyen Âge), le Stetson (chapeau de cow-boy). Mais je vous invite à découvrir cette liste tant elle est riche de mots que peu connaissent.
En fait depuis l’antiquité hommes et femmes portent des chapeaux. Le pilos (sorte de bonnet en cuir, lin ou laine) indiquait le rang social, puis apparut la pétase sorte de pilos à bords. L’historique du chapeau est un long parcours, avec des formes évoluant au cours des siècles et en fonction des modes: le liripipion au XIVème siècle sorte de capuchon pointu, le hennin ou “chapeau de fée” conique agrémenté d’un long voile, au XVIIIème siècle le bicorne (image associée à Napoléon) et le tricorne (image associée aux pirates et corsaires mais aussi à des peintures de Louis XV, Louis XVI), le haut-de-forme très populaire au XIXème siècle qui symbolisait la réussite sociale. Il en est de même avec les matières qui sont d’une grande diversité: les poils d’animaux pour faire des feutres, les plus luxueux étaient en poils de castor, la fourrure (chapka chapeau à rabat), la paille date du Moyen Âge au départ pour la coiffe des paysans, l’osier, la laine, le cuir, diverses étoffes de soie, coton, lin….
Actuellement c’est plus un accessoire de mode, pour des sorties, des évènements, ou pour se protéger du soleil et des intempéries (froid, pluie).
“Elle avait un chapeau à franges qui croulait sous le poids des fleurs.. C’était un jardin.” (Céline – Mort à crédit)
Le chapeau s’est aussi invité chez les magiciens pour en faire sortir un lapin (Louis Comte en 1814), chez les jongleurs avec la manipulation du chapeau melon (dit chapeau-boule en Belgique, ce chapeau est apparu en France au XVIème siècle, il devient le symbole de la respectabilité en Angleterre fin XIXème), chez les clowns, mais aussi dans les carnavals et des représentations historiques médiévales ou autres…
On retrouve aussi des couvre-chefs dans le cadre professionnel (militaire avec le képi, police, pompiers avec les casques, les cuisiniers avec les toques…), ecclésiastique (avec la tiare papale, la mitre, la barette, et le saturno d’évèque), mais aussi dans le cercle sportif (cyclisme, équitation…), dans le domaine festif comme le jour de la Sainte Catherine (patronne des modistes).
L’origine du mot chapeau vient de l’ancien français “chapel” (coiffure portée pour sortir) mot issu du latin “caput” (tête). La profession de chapelier ou fabriquant de chapeau remonte au XVIème siècle (attestée à Paris en 1323), puis les modistes apparaissent à partir de la Révolution française (Coco Chanel débuta sa carrière comme modiste avec le canotier comme chapeau emblématique), sans oublier le métier de formier qui est l’artisan du bois qui sculpte des blocs de tilleul pour la mise en forme des chapeaux. La chapellerie est l’Art de fabriquer des chapeaux, lequel reste pratiquement le même depuis l’origine avec 5 étapes (préparation du poil, foulage, mise en forme, teinture et garniture). Il existait différentes branches de chapeliers: “de coton”, “de fleurs”, “de paon”, “de feutre”, “les faiseuses de chapeaux d’orfrois”. Le métier de modiste est la création de chapeaux uniques vendus à des particuliers, pour le théâtre et le cinéma. Au début du XXème siècle il était plus répandu qu’actuellement. Les modistes avaient le privilège de livrer leurs créations non par l’entrée des fournisseurs mais par le grand escalier!!
La plumasserie est l’activité concernant la préparation des plumes d’oiseaux, utilisées pour la confection mais aussi pour orner des coiffes. Ainsi est née la corporation des chapeliers de paon vers 1268. Au XIVème siècle apparaissent les plumes d’autruche. Les plumes figurent dans les parures et rentrent dans la composition de coiffures extravagantes durant les siècles suivants. L’extension de l’industrie plumassière au XIXème siècle a contribué à l’extinction de certaines espèces d’oiseaux, ce qui a mobilisé les protecteurs de la nature. Le port du chapeau en désuétude dans les années 1960 a entrainé le déclin de la plumasserie. Les plumes utilisées actuellement pour les costumes des revues des cabarets parisiens, le music-hall et la haute couture, viennent d’espèces non protégées (coq, faisan, autruche…) et reposent parfois sur des stocks anciens précieux (héron, oiseau du paradis, paon…). C’est un véritable métier d’Art en voie de disparition.
Pour les amateurs de photos, les vieilles pierres dévoilent des sculptures témoins de couvre-chefs de temps anciens.
Dans mes recherches j’ai trouvé plusieurs sites de musées du chapeau à découvrir (Chazelles-sur-Lyon, Roanne, le Somail, Esperaza, Roanne, Caussade…). Je termine par une anecdote qui a marqué mon enfance: lors d’un déménagement un membre de ma famille a jeté à la poubelle un carton plein de chapeaux de sa femme dont je vous laisse imaginer l’amertume, quand elle s’en est rendue compte. Pourquoi a-t-il agi ainsi? La question est restée en suspens!!!
Je préfère garder une image positive avec ce poème de Stéphane Mallarmé ( Apparition):
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.