Pour illustrer cette période de la Toussaint, je me suis orientée vers Arnold Böcklin, artiste suisse du XIXème siècle (peintre, dessinateur, graphiste et sculpteur) surtout connu pour sa peinture « l’Île des morts » (« die Toteninsel »). En fait il a peint 5 tableaux de 1880 à 1886 qui ont fasciné le monde, et ont inspiré l’imaginaire de beaucoup d’artistes, peintres, dessinateurs, illustrateurs, auteurs, cinéastes, musiciens, poètes et ont été utilisé aussi dans des décors de théâtre ou d’opéra… Je ne vais pas détailler ici toute cette très longue liste de travaux d’ordre graphique, écrit ou autre.. mais je vais restée centrée sur la peinture proprement dite.
Quatre tableaux sont conservés actuellement dans les musées de Bâle, New-York, Berlin, Leipzig, la 4ème version a disparu lors d’un bombardement à Rotterdam.
Lors d’une exposition consacrée à ce peintre au Musée d’Orsay en octobre 2001, j’ai contemplé deux de ces grands tableaux situés l’un en face de l’autre. Vu le peu d’affluence le jour de ma visite j’ai pu me tenir entre ces deux tableaux, les comparer, et moi aussi j’ai été captivée par cette atmosphère mélancolique mais calme qui s’en dégageait (mais que certains peuvent trouver morbide), car je ne connaissais ce tableau qu’au travers de reproductions. Ce qui m’a le plus impressionnée c’est de voir l’importante influence de ce tableau, car une autre exposition concomitante se tenait au Musée Bossuet à Meaux uniquement centrée sur ce thème: un hommage à « l’Île des morts » . J’ai été impressionnée de voir une production aussi variée de travaux inspirés de l’Île des morts, notamment avec de grandes peintures (Pierre Peyrolle),
des tableaux surréalistes (C.Broutin, Y.Thomas, C.H Fournerie…)
mais aussi des pastels (Davood Emdadian),
un petit tableau désignée comme « la sixième version » (Michael Sowa),
et beaucoup d’autres dessins, extraits de BD, peintures de collections particulières, car cette exposition comprenait des œuvres d’une cinquantaine d’artistes (cf le livre présenté ci-dessus « Hommage à l’île des morts d’Arnold Böcklin » Somogy Editions d’Art).
Au départ A. Böcklin avait simplement peint une barque et un rameur.
Ce serait à la demande de la commanditaire de la 2ème version (Marie Berna-Christ), ayant perdu son mari, qu’il aurait rajouté le cercueil et cette silhouette lumineuse blanche (présents dans toutes les versions), qui frappent alors les esprits mais entraînent le spectateur calmement vers ce monde mystérieux, sombre et pathétique de l’au-delà (représenté par l’île et les cyprès). Il écrivit alors: « Vous pourrez vous plonger en rêveries dans le sombre monde des ombres jusqu’à sentir les alizés tièdes qui froncent le miroir de la mer, jusqu’à la peur de déranger ce silence solennel par la moindre parole ». Cette dame conservait ainsi le souvenir de son mari en le confiant à cette île et voulait sans doute trouver une aide pour mettre fin à son épreuve de deuil plus facilement.
La thématique de cette peinture s’apparente à la mythologie grecque avec Charon (« le rocher des enfers »), fils d’Erèbe (les ténèbres) et de Nyx (la nuit). Moyennant une obole, il devait faire passer sur sa barque les âmes de morts (ombres errantes des défunts) vers leur dernière demeure (royaume d’Hadès, dieu des morts), sur le fleuve des enfers Achéron ou Styx.
En ajoutant ses initiales A.B. sur la tombe à l’extrême droite de l’île dans l’avancée rocheuse, à partir de la troisième version, Böcklin souhaitait-il être enterré un jour en un tel lieu pour y trouver repos et paix éternelle?
Certains ont essayer de situer géographiquement les lieux d’inspiration du peintre ( île d’Ischia en Italie, une île dans la baie de Kotor vers le Monténégro, l’îlot de Pontikonissi vers Corfou, San Vigilio sur le lac de Garde, le cimetière de San Michele à Venise etc…).
Ces tableaux vont continuer à faire couler encore beaucoup d’encre…